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Penser en nuances dans un monde polarisé

Dernière mise à jour : 13 sept.

Depuis quelque temps, j’ai l’impression que les discussions sociales et politiques deviennent de plus en plus polarisées. Comme si penser en nuances, c’était s’exposer à des conflits. On dirait qu’on a de moins en moins le droit d’être au centre, entre les extrêmes. Soit tu es pour, soit tu es contre. Il n’y a plus de place pour le gris, pour les “oui, mais…”, pour les contextes particuliers.


Quand l’intention est mal perçue


Un jour, j’ai vu un enfant dire à sa prof :


« Je vais t’aider à porter ça, parce que t’es une fille. »

Il disait ça avec le plus grand sérieux, et surtout avec douceur et respect. C’était sa manière, à lui, d’être attentionné.

Mais la prof a tiqué. Elle lui a répondu que ce n’était pas parce qu’elle était une fille qu’elle avait besoin d’aide.

Je comprends son point. Mais moi, j’ai vu un enfant avec une bonne intention, pas un message sexiste. Il voulait simplement aider. Il voulait bien faire.

Et c’est là que j’ai réalisé : parfois, c’est notre interprétation adulte, notre filtre, nos blessures… qui donnent un ton à une phrase qui n’avait pas cette couleur au départ.


Quand l’autre choix dérange


À l’inverse, lors d’un dîner entre amies, une femme dit avec un sourire tranquille :


« Moi, j’ai choisi de rester à la maison avec mes enfants. C’est là que je me sens à ma place, c’est ce que j’aime. »

Elle le dit avec confiance, sans chercher l’approbation de personne. Ce n’est pas un renoncement, c’est un choix assumé.

Mais tout de suite, l’ambiance change un peu. Une autre femme réagit :


« C’est correct… tant que tu ne dis pas que c’est mieux que de travailler. »

Comme si ce choix était une menace, ou une forme de jugement envers celles qui ont une carrière. Pourtant, ce n’était pas ça du tout. Il n’y avait pas de message caché, ni de comparaison. Juste une femme qui disait : "Moi, c’est ici que je trouve du sens."


Et ça m’a frappée : même dans un monde qui parle de liberté de choix, certains choix dérangent… s’ils ne vont pas dans le bon sens aux yeux des autres.


L’effet des chambres d’écho

Et avec les réseaux sociaux, ça devient encore plus délicat.

On se retrouve souvent enfermés dans des chambres d’écho  ces bulles où tout ce qu’on lit, entend, regarde, pense… va dans le même sens que ce qu’on croit déjà. On suit des gens qui nous ressemblent, on partage des idées avec ceux qui les confirment. Et, petit à petit, on perd de vue qu’il existe d’autres façons de penser, d’autres raisons d’agir, d’autres vérités.


Et même quand on cherche à “s’informer”, on retourne souvent aux mêmes sources, aux mêmes médias, aux mêmes spécialistes… qui, eux aussi, sont parfois pris dans leur propre angle.



De plus en plus, les journalistes ou experts adoptent une posture engagée, et il devient rare d’entendre une vraie neutralité. Ils interprètent les idées opposées à travers leurs propres croyances, parfois même en cherchant activement à les invalider.


C’est là que nos biais cognitifs entrent en jeu. Le plus courant? Le biais de confirmation : on cherche, sans s’en rendre compte, des arguments qui confirment ce qu’on pense déjà et on écarte ou discrédite tout ce qui pourrait le remettre en question. Même quand on croit être dans une démarche de recherche, on reste souvent dans une boucle fermée.

Et à force de vivre dans ces silos, ce n’est pas seulement l’opinion contraire qu’on ne comprend plus…C’est l’humain derrière l’opinion qu’on oublie de voir.


Quand les extrêmes prennent toute la place

Je sais que certains, en lisant ce texte, auront envie de répondre par des exemples extrêmes :


« Oui, mais regarde ce que les plus radicaux disent ou font de l’autre côté ! »

Et c’est vrai : les extrêmes existent. Des deux côtés. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est qu’ils ne représentent pas la majorité.

Ce sont souvent les voix les plus bruyantes, les plus polarisantes, qui circulent en boucle sur les réseaux sociaux, dans les médias ou dans les discussions enflammées. Et parce qu’on les voit plus souvent, on finit par croire qu’elles sont plus nombreuses qu’elles ne le sont vraiment.

Ce phénomène est renforcé par nos biais cognitifs, comme le biais de confirmation, qui nous pousse à chercher des exemples qui confirment ce qu’on croit déjà… et à ignorer tout ce qui pourrait nuancer notre vision. Résultat : on se convainc que “l’autre camp” est dominé par ses extrêmes, alors que la majorité silencieuse, de chaque côté, est souvent beaucoup plus nuancée, humaine, et ouverte qu’on ne le pense.


Mais plus on se sent forcé de choisir un camp, plus cette minorité visible gagne du terrain. Et à force de devoir se positionner fermement, on commence à démoniser l’autre. On ne débat plus d’idées. On défend une équipe, on attaque l’autre. On entre dans une logique de camps, où comprendre l’autre devient presque une trahison.


C’est là que la polarisation devient dangereuse : elle fait grossir les extrêmes, non pas parce qu’ils convainquent plus de monde, mais parce qu’elle étouffe la nuance.


Derrière chaque opinion, une intention


Et pourtant, moi, je crois sincèrement que peu importe de quel côté une personne se situe qu’elle ait des valeurs plus traditionnelles ou plus progressistes, l’intention, dans la grande majorité des cas, part d’une bonne place. Pas d’un désir de blesser, ni de dominer, ni de provoquer. Mais d’un besoin d’aimer, de protéger, de faire au mieux… selon ce qu’on connaît, ce qu’on a vécu, ce qu’on croit juste.

C’est pour ça que la nuance est essentielle : elle nous permet de voir l’intention, même quand on n’est pas d’accord avec le message.


Une invitation à l’introspection


Alors peut-être que le vrai défi aujourd’hui, ce n’est pas de convaincre les autres qu’ils ont tort. C’est d’avoir le courage de se poser des questions sur nos propres certitudes .D’écouter sincèrement, sans chercher tout de suite à répondre. De ralentir nos jugements, et de remplacer le réflexe de rejet par une curiosité réelle.

Et surtout… d’arrêter de voir ceux qui pensent différemment comme des gens "contre nous", comme des ignorants ou des méchants.

Parce que souvent, ils ne sont pas nos ennemis. Ce sont des personnes qui, tout comme nous, essaient de faire du mieux qu’elles peuvent, avec ce qu’elles savent, ce qu’elles ont vécu, et ce qu’elles croient être juste.


Alors si on veut vraiment avancer en tant qu’individus, familles, société peut-être qu’on gagnerait tous à pratiquer un peu plus d’introspection… et beaucoup plus de compréhension.

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